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DEBAT LE 8 AVRIL A AUCH AVEC PHILIPPE BATIFOULIER Philippe Batifoulier : » Il faut une insurrection des patients ! »
Enseignant en économie politique à l’université de
Paris Ouest Nanterre et membre du collectif des
Économistes atterrés, Philippe Batifoulier vient de
publier Capital Santé, quand le patient devient le
client.
Entretien réalisé par Angélique Schaller (La Marseillaise)
Le budget de la sécurité sociale prévoit une nouvelle
coupe budgétaire de 3,2 milliards pour l’assurance maladie.
Le déremboursement va se poursuivre ?
Une tendance lente mais certaine où ceux qui ne bénéficient
pas d’une couverture à 100% pour les Affections longues durées
(ALD), sont confrontés à des remboursements qui couvrent
globalement la moitié des soins.
Les pistes d’économie sont sur l’hôpital public. Encore ?
Les hôpitaux sont soumis à la tarification à l’activité et subissent
les logiques managériales venues du privé. L’idée est
que la bonne gestion vient forcément du privé. C’est faux.
On assiste en effet à une explosion des dépenses des hôpitaux
car le système est absurde et perfide. Si on ne peut réduire
un séjour, on va chercher à le rentabiliser en trouvant de
nouveaux actes à facturer : celui qui vient pour une appendicite
a peut-être un problème de diabète… Dans les faits, on active
des dépenses nouvelles.
Cette augmentation est aussi liée au mauvais remboursement
de la médecine de ville : faute de pouvoir ainsi se faire soigner,
les gens se tournent vers les urgences.
Si les patients sont des victimes de ce système, le personnel
soignant l’est tout autant, subissant une folie managériale qui
reconnaît comme performant non pas le fait de sauver une vie,
mais des indicateurs chiffrables.
Le principe est qu’il n’y a jamais pénurie de personnels mais
des problèmes d’organisation. On flanque donc les hôpitaux de
cabinets de conseils privés qui vont proposer des solutions qui
n’ont rien à voir avec l’éthique médicale. Le personnel est diversement
touché. Il y a ceux qui se trouvent à l’aise dans
cette médecine standardisée, ceux qui résistent et ceux qui se
sont résignés.
La santé est toujours présentée comme un coût. Ce que
vous dénoncez dans votre livre ?
La sécu a toujours coûté cher et dès sa naissance. Mais les
réformateurs ont su montrer que le coût avait une contrepartie :
le bien-être des populations et le progrès social.
Ce n’est pas parce que l’on a découvert les antibiotiques que
la mortalité a reculé mais parce que l’on a permis l’accès de
tous à ces antibiotiques. Cela a été compris dans un pays sortant
de guerre, exsangue. Paradoxalement, la bifurcation vers
la seule logique de coût s’est faite à une période de très
grande prospérité, dans les années 1970/1980.
Vous dites que les premières victimes de cette logique
sont les plus pauvres ?
Si la maladie peut toucher tout le monde, les statistiques montrent
que plus on est pauvre, plus on est touché. De plus, si la
maladie est une épreuve, ce n’est pas la même selon que l’on
ait un capital culturel, social etc. Ces inégalités sont encore
renforcées par les inégalités d’accès aux soins.
Et quand on renvoie les gens vers les assurances privées,
l’inégalité se creuse davantage. Non seulement tout le monde
ne peut pas se les payer, mais les plus couvrantes ne sont
accessibles qu’aux plus riches.
Que pensez-vous de la proposition de gouvernement de
taxer l’industrie pharmaceutique pour atténuer l’impact
financier des médicaments innovants ?
C’est une économie ponctuelle qui ne va pas résoudre le déficit
de la sécu. Mais cela a au moins le mérite d’aborder le sujet.
Car les plus gros gisements d’économie se trouvent en
effet dans les médicaments.
Aujourd’hui, on soutient les laboratoires en remboursant très
bien certains médicaments, dont certains peuvent se révéler
nocifs, en échange de « découvertes ». Mais celles-ci ne viennent
pas. Une autre piste d’économie importante serait d’arrêter
de tout confier au privé, sachant que le public est beaucoup
plus économe.
Vous préconisez une couverture à 100% ?
Notre modèle a été construit sur du 80% de remboursement
public et 20% confié aux mutuelles. Mais cette identité mutualiste
a aujourd’hui disparu, détruite par la concurrence imposée
par l’Europe. D’où ma proposition de 100% de remboursement
public.
Ce qui ne signifie pas tout rembourser, mais ce que l’on rembourse,
on le rembourse à 100%. Il serait d’ailleurs pertinent
d’associer les patients à la définition de ce qui doit être remboursé
ou pas.
Or, la santé est un vrai désert politique. Aucun débat n’est
jamais organisé et les gens ne sont jamais consultés.
Il faudrait une insurrection des patients !
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