Comment ne pas collaborer ?
« Je vous rappelle que l’EPRD (il s’agit de la prévision de recettes et dépenses établie par la direction de l’hôpital pour l’année à venir. Ndlr) implique un ajustement des charges aux ressources et non l’inverse, notion qui me semble avoir été perdue de vue par les responsables en charge de la direction de l’établissement ces dernières années. Il est primordial que la stratégie de l’hôpital intègre pleinement cette notion. »
Voilà la petite phrase qui tue !
Ecrite dans la lettre que la direction de l’ARS a adressée au directeur de l’hôpital d’Auch le 23 août dernier pour le rappeler sévèrement à l’ordre (à lire en entier sur le site du Comité), cette petite phrase a au moins le mérite de dire clairement la logique de l’Etat pour le financement des hôpitaux publics.
Désormais personne ne pourra plus faire semblant d’ignorer cette logique : si vous voulez des sous trouvez les par vous-mêmes !
Vous rêviez d’une politique de santé publique vous avez un ministère de l’économie de la santé.
Vous voulez une société solidaire, ils installent une Société Anonyme !
Le principe est simple à comprendre, l’hôpital doit se gérer comme une entreprise comme une autre. (Petit quiz : qui est l’inventeur de ce dogme en France ?) Prévoyez vos recettes tirées de votre activité pour envisager les dépenses.
Pour augmenter vos recettes : cherchez le client ! Soyez attractifs !
Simple non ? Pour le reste détaillez-moi, dit l’Etat, chaque acte médical pratiqué dans votre établissement et je vous paierais à un tarif nomenclaturé par mes soins les actes en question. Plus vous ferez d’actes plus vous serez riches…. Travaillez plus pour …etc. et plus vous pratiquerez d’actes couteux plus vous serez riches !
Pour ce faire je mets à votre disposition une armée de « nomenclateurs » et de commissions ad hoc, constituez pour l’essentiel des gens issus du corps médical, qui élaboreront le catalogue de tarif (mais ont-ils encore le temps de pratiquer leur art et de rencontrer des patients concrets ?). Cela s’appelle la T2A (tarification à l’activité), technique de gestion sortie du cerveau de 2 ingénieurs américains de l’industrie automobile persuadés que toute activité humaine peut se gérer comme une industrie ! Et c’est pour cela que vous pouvez entendre des ministres de la santé (disons de l’économie de la santé) et quelques autres de leurs thuriféraires claironner que l’hôpital est un lieu de production comme un autre puisqu’on y produit des soins. Donc gestion et management d’entreprise, autoritarisme et intéressement pour faire passer la pilule !
Il faudrait rappeler à ces analphabètes sociaux que produire et prodiguer ne sont pas synonymes !
Quand, au pouvoir, l’ignorance le dispute à l’inculture, (ne sont-elles pas sœur jumelles ?) l’humain a tendance à s’effacer. Pour paraphraser ironiquement le poète, les chiffres comptables ont-ils une âme ? En tout cas ils tout aussi inanimés que les objets….
ABROGER LA LOI « BACHELOT » !
Tout cela démontre clairement que c’est bien l’intégralité de la politique à l’œuvre qu’il faut abolir et dans le mouvement abroger la loi Bachelot qui la définit. Accepter de discuter des mesures conséquence de cette politique, même partiellement, met en état d’acceptation, de complicité, de sa logique financière, comptable, mercantile déshumanisée.
A cette logique il faut résolument opposer une stratégie de prise en compte des besoins sanitaires d’une population donnée dans un temps donné. Il faut mettre en place des structures réellement démocratiques d’évaluation de la situation sanitaires des populations en tenant compte de tous les facteurs de risques (professionnels, sociaux, héréditaires…etc.).
Il faut un observatoire qui soit l’exact contrepied des structures bureaucratiques de gestion actuelle, qui soit la réponse instruite, nourrie des réalités de terrain à la déshumanisation à laquelle conduisent les structures actuelles.
CHANGER LA LOGIQUE!
Il s’agit de substituer à la logique de l’administration de soins, qui prévaut actuellement, la logique de « prendre soin du patient et du malade » et donc d’intégrer l’ensemble des facteurs de guérison ce que la T2A interdit concrètement. Il suffit pour s’en convaincre de parler avec les personnels soignants qui sont parmi les premières victimes de cette politique tant leur compétences sont niées au quotidien. Tous les indicateurs de souffrance au travail explosent à l’hôpital aujourd’hui. La compétence et le dévouement ne sont plus des facteurs d’épanouissement et de réalisation de soi au contraire, dans la frustration et l’incapacité de se mettre en œuvre ils sont des facteurs de mal être et de souffrance essentielle.
A partir de cet observatoire, lieu de rencontre et d’échange de praticiens, de chercheurs médicaux mais aussi sociaux, il sera possible d’élaborer un diagnostic actualisé et de véritables outils de prévisions à courts et moyens termes sur lesquelles construire une politique de santé constituant une réponse solidaire financée par la richesse produite par le travail.
C’est cette exigence qui doit se manifester dans tous les organes et structures de gestion de la politique d’Etat à tous les niveaux du plus bas au plus élevé où siègent des représentants de la population (élus du suffrage universel, usagers, personnels…etc.) et affirmer ainsi qu’une alternative concrète est possible.
Les données existent déjà au plan régional mais ne sont pas utilisées pour définir les moyens à mettre en œuvre. Il faut développer ce travail au niveau départemental et mettre en perspective l’ensemble des études et analyses pour les transformer en outil de prévision et de programmation.
C’est une question de volonté et de courage politiques. Nous nous attacherons, pour notre part à faire vivre cette exigence au quotidien de notre action.
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