La tarification à activité (T2A), réforme du financement des établissements de santé, bouleverse l’organisation du système de soins au détriment de l’hôpital public
Alors que la T2A ne concerne, pour l’heure, que les activités des services de médecine, chirurgie, obstétrique, ses effets se font déjà sentir. Ces activités étant les plus « rémunératrices », un glissement s’est opéré vers le secteur privé, moins regardant que l’hôpital public sur un financement tout entier dédié à une logique de résultats. Aujourd’hui, par exemple, les cliniques prennent en charge entre 60 % et 80 % de la chirurgie.
Avec ce système, introduit dans le cadre du plan hôpital 2007 et dont la mise en œuvre doit s’achever en 2012, la logique de financement des établissements se trouve totalement inversée. Jusqu’alors, ils bénéficiaient d’une enveloppe globale répondant à une logique de moyens en fonction des besoins. Désormais, ce sont les recettes issues des activités hospitalières qui déterminent les dépenses et non l’inverse. Le séjour de chaque patient est classé au sein d’un groupe homogène de malades (GHM). Et chaque GHM est associé à un groupe homogène de séjours (GHS) auquel correspond un tarif national opposable remboursé par l’assurance maladie. Autrement dit, un malade doit entrer dans une case « maladie », une appendicite par exemple, qui a un coût et un remboursement par la Sécurité sociale précis. Le problème soulevé par beaucoup de médecins est qu’il est très difficile de « quantifier » une maladie car l’appendicite ne relève pas tout à fait de la même pathologie si le malade est cardiaque, fait du diabète ou présente une allergie.
Cette réforme répond à une volonté de rationaliser les modes de financement des établissements de santé. « Le but déclaré est de diminuer le coût des hôpitaux, et l’objectif, inavoué, d’augmenter le financement des cliniques », traduit le professeur – André Grimaldi, diabétologue et fervent défenseur de l’hôpital public. Le fait est que, contrairement à ce qui a été annoncé, la T2A n’a en rien amélioré les équilibres financiers des établissements de santé. Les budgets hospitaliers restent soumis à l’ONDAM (Objectif national de dépense de l’assurance maladie), voté annuellement par l’Assemblée nationale et le Sénat lors de l’adoption de la loi de – financement de la Sécurité sociale. ONDAM dont le taux reste insuffisant.
Résultat, aujourd’hui 29 CHU (centres hospitaliers universitaires) sur 31 se sont retrouvés en déficit en 2008, alors qu’ils n’étaient que 16 en 2005. Ainsi, pour 2009, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) prévoit un trou de plus de 100 millions d’euros… Un déficit qui sert d’argument pour tenter d’augmenter encore la productivité. Mais qui permet également de justifier l’abandon de certaines activités, la restructuration d’autres, la suppression massive d’emplois. Les avocats de la réforme rétorquent qu’il existe toujours des enveloppes budgétaires spécifiques pour financer les missions que la T2A ne peut prendre en compte : prévention, prise en charge de la population précaire, enseignement, recherche. Sauf que celles-ci sont notoirement insuffisantes. Résultat, craint le sociologue Frédéric Pierru, la T2A « sera moyen de pression mobilisable par les directeurs d’ARS (agence régionale de santé) pour forcer les directions des structures en déficit chronique à accepter des reconversions, voire des fermetures de services ».
Au-delà des effets économiques de la T2A que l’on peut d’ailleurs déjà constater avec l’annonce des projets de fermeture de 250 services de chirurgie en France (huit dans le sud ouest), on peut légitimement s’inquiéter des effets que cette pratique comptable peut engendrer au niveau de la pratique médicale elle-même.
En opérant une catégorisation des actes par nature elle pousse à ne considérer le malade que comme une série de pathologies qui ne font au final qu’une somme comptable sans que ce tout ne fasse un individu. On sait combien le poids d’une organisation détermine des types de comportements, cette T2A fractionne l’individu l’isole de son contexte le réduit à une litanie d’organes et va donc à l’encontre de tout ce que la médecine moderne nous apprend de l’importance de la relation entre tous ces éléments qui fait que nous ne sommes un peu plus qu’une mécanique. De la même façon elle réduit le geste médical à une simple technique d’intervention désincarnée un acte hors sujets (soignants /soignés).
Cette logique de gestion entre en total contradiction non seulement avec la logique de service public mais aussi avec une conception moderne de la médecine qui considère le patient dans sa globalité, c’est en cela que la T2A incarne une conception rétrograde de la pratique médicale et à ce titre nous devrions voir émerger un mouvement du refus réunissant patients et médecins.
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